BIEN VIEILLIR

par le DR. André Corman

Un défi que la société doit relever et un projet de santé moderne

1. Que faire du bonus calendaire que nous octroie l’évolution démographique?

S’il est une certitude, c’est que la durée de notre vie augmente (Sources OMS en 2012 et INSEE en 2014), Autre certitude c’est que l’on vieillit mieux, avec beaucoup moins de handicaps, les progrès technologiques et médicaux les plus récents permettant d’améliorer la qualité du vécu de cette avancée en âge.
En somme, les « Seniors » représenteront à l’horizon 2030 plus du tiers de la population occidentale et ils sont soutenus par une espérance et une qualité de vie encore jamais connue à ce jour dans l’histoire de l’humanité.
Un nouvel espace de vie, et de vie active, s’offre aujourd’hui après le cap des 55 ans, et cela, pour plus du tiers de la vie.
Mais ce qui reste un mystère, c’est la façon dont nous vieillirons. Le sens que chacune ou chacun d’entre nous va donner à ce bonus calendaire va s’avérer différent. Certains réussiront à rendre cette tranche de vie passionnante et d’autres trouveront ces années bien longues.

2. Pas de feuille de route bien définie :

C’est au moment où la vieillesse devient la plus certaine, la plus durable et la plus confortable qu’elle devient aussi la moins pensable. Les représentations culturelles et spirituelles volent en éclat : si jadis on disposait de discours qui nous disaient ce qui devait se vivre à chaque âge de la vie, les modèles traditionnels de la vieillesse nous apparaissent aujourd’hui bien obsolètes, impropres à constituer carte et boussole pour nous guider dans ce nouvel âge de la vie.
Notre société est confrontée à un défi qu’aucune autre, dans l’histoire de l’humanité, n’a eu à relever : inventer un autre regard sur la vie de ses aînés.

Le « bien vieillir » dépend du « bien vivre ».

Voltaire avait déjà cette intuition lorsqu’il écrivait « j’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé » et c’est elle que vont confirmer les meilleurs experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) réunis pour donner une nouvelle définition à la santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social ». En somme, la santé devient un moyen pour atteindre le bien-être, devenu le but recherché par les êtres humains. Cette prise de conscience donne à la qualité de vie un rôle moteur fondamental dans la prévention et la genèse des maladies. Comprenons, si la capacité du système biologique d’un individu à fonctionner augmente au cours des premières années de la vie, atteint son maximum au début de l’âge adulte et décline naturellement ensuite, la rapidité de ce déclin est déterminée par nos comportements et par ce à quoi nous sommes exposés au cours de notre vie. L’humain vieillissant a besoin d’un élan, d’une énergie pour continuer à donner du sens à sa vie et entrevoir des perspectives de bonheur. Ce sentiment de bonheur est un élément clé du bien vivre, de la santé et du bien vieillir.

3. De quelques fondamentaux du « bien vieillir » : alliés et adversaires

Mon expérience médicale m’a permis de mettre en évidence quelques-uns de ces facteurs, alliés comme adversaires du bien vieillir. Les alliés, ce sont, par exemple, le mouvement, l’aventure, l’amour, l’estime de soi, la curiosité, l’adaptation… Les adversaires, ce sont, par exemple la peur, l’inertie, la solitude, la dégradation de l’image de soi (corps et esprit), la résignation, l’âgisme…

… La continuation de la vie avec l’avancée de l’âge nécessite ce que certains considèreront comme une profonde mutation et d’autres comme de simples adaptations. C’est une exigence lorsqu’on veut vieillir en restant actif, aimé et aimant car le risque pour le sujet âgé de maintenir une performance antérieure idéalisée l’emmène à préférer arrêter toute activité plutôt que de défaillir. Ce processus de réaménagement est classique lorsqu’on vieillit. Le concept de déprise1 en rend compte. La déprise peut être définie comme le processus de réaménagement de l’existence qui se produit au fur et à mesure que les personnes qui vieillissent doivent faire face à des difficultés accrues. En pratique clinique, il peut s’agir de l’installation d’une maladie (diabète, hypertension, coronaropathie, cancer ou d’évènements de vie (retraite, veuvage, divorce, deuil …). Le pianiste Arthur Rubinstein nous permet de l’illustrer : certains morceaux complexes du répertoire lui devenaient difficiles à interpréter en raison de sa mémoire et de son arthrose diminuant l’agilité de ses mains lors des rythmes trop rapides. Soucieux de continuer à se produire sur scène, il trouva la solution : il a réduit son répertoire en le limitant à quelques morceaux où ces problèmes ne se posaient pas (sélection) puis il a mis son génie au service de ces morceaux choisis en les travaillant intensément (optimisation) et en ralentissant progressivement la mesure (compensation). Toutes les activités favorisant la déprise sont des atouts du bien-vieillir.

…. Vaincre la peur :

La peur est un autre obstacle au « bien vieillir ». C’est une émotion liée au surgissement d’un objet ou d’un phénomène considérés comme dangereux ou menaçants et, sans doute faut-il voir dans les fulgurantes transformations des sociétés contemporaines l’origine du sentiment de peur et d’incertitude généralisée qui habite l’individu aujourd’hui. C’est la confiance qui répond à la peur et toute activité qui permet de vaincre la peur par la construction de la confiance est atout du bien vieillir.

4. Bien vieillir et le cheval :

Dans la prise en charge du « bien vieillir », nous devons rechercher de nouvelles approches. J’ai commencé à monter sur un cheval à 55 ans et, très vite, j’ai pris conscience que cette activité s’intégrait à merveille dans le travail que j’effectuais sur le « bien vieillir ». Méconnue pour les seniors, une activité équestre adaptée est un atout du bien-vieillir car elle exige de vaincre sa peur, permet le mouvement et l’aventure, attise la curiosité, renforce l’estime de soi et favorise la déprise. Ce sont ces éléments qui nous a conduit avec Stefanie à développer un vrai projet de « sport santé » et, très au-delà, un art de vivre autrement. Cheval Senior naît de cette pensée et de cette expérimentation.

1 P. Baltes, L’avenir du vieillissement d’un point de vue psychologique : optimisme et tristesse, in J. Dupâquier (dir), L’espérance de vie sans incapacités, Paris, PUF, 1997